TASSÉ, Jean-Louis

Nom | Jean-Louis Tassé |
Naissance | 1932 à Bellevue (aujourd'hui Ville de Léry) |
Enfance | Quartiers Villeray et Milton-Park, Montréal |
Éducation | Loyola College |
Carrière | - Commis comptable, Royal Securities Corporation Ltd (1951) - Vendeur débutant, W.C. Pitfield & Company Ltd. (1953) - Vendeur Morgan, Kempf et Morgan & Co. Ltd (1955) - Vendeur obligations municipales Desjardins, Couture Inc. (1957) - Vendeur, puis directeur-général, Crédit du Nord Inc. (1961) - Vice-président, responsable du municipal, Cliche et Associés Ltée. (1965) - Président et fondateur, Tassé & Associés, Limitée (1967) - Représentant, Valeurs Mobilières Banque Laurentienne. (2000) |
Spécialisation | Obligations, entrepreneur et gestionnaire de firmes de courtage |
Divers | Gestionnaire, Autobus Terremont Ltée |
Notice
Né dans une famille de courtiers, Jean-Louis Tassé s’imprègne du métier avec son père et son oncle. De commis-comptable à vendeur accompli, il franchit rapidement toutes les étapes d’un solide apprentissage. Utilisant les associations professionnelles comme foyers de connaissances et bassin de relations, son éducation bilingue et son entregent naturel lui permettent d’être rapidement reconnu dans son milieu. Après que le secteur obligataire municipal lui ait procuré ses premiers succès, il s’établit à son compte. Entrepreneur déterminé, sachant s’entourer, s’appuyant sur des relations durables, il construit avec des alliés fidèles, au cours des années Richard Gagnon, Jacques M. Gagnon et Raymond Trudeau, une importante firme intégrée. Entre 1967 et 2000, il la dirige avec succès à travers les turbulences d’un secteur financier en plein bouleversement. Sa maison sera acquise par Valeurs Mobilières Banque Laurentienne.
Biographie
Très jeune, Jean-Louis Tassé est attiré par le milieu du courtage et choisit d’y faire carrière. Au départ de sa vie professionnelle, il dispose déjà d’atouts qui font une partie de son succès: une familiarité avec le milieu de la finance, l’audace et l’entrepreneurship… Son père n’avait pas hésité dans les années ‘20 à se déplacer de Montréal à Winnipeg et New York pour gagner sa vie dans le monde du courtage en valeurs mobilières. Ce dernier revient travailler à Montréal à la suite du krach boursier de 1929. Dans les années 1930, il fonde une famille, avec Georgette, son épouse qu’il a rencontrée à New York. Ensemble, ils ont sept enfants, quatre filles et trois garçons. La guerre terminée, les enfants poursuivent leurs études dans des établissements privés. Après leurs études primaires, les filles fréquentent Villa Maria, une école dirigée par les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Les garçons sont inscrits dans trois institutions différentes: un étudie au Collège Mont-Saint-Louis ; un autre au Collège Sainte-Marie et Jean-Louis, dans un collège d’enseignement anglophone, le Collège Loyola. Or, Jean-Louis ne connait pas un mot d’anglais. Quitte à travailler plus fort et à redoubler sa première année du secondaire, Jean-Louis s’acharne et termine ses 4 années de high school avec succès. Mais tout comme son père, son goût pour les études s’affaiblit rapidement. À la suite de ses études secondaires, il demande à s’inscrire dans une école privée offrant des cours de comptabilité de base et de dactylo.
- Le monde du courtage
- La progression dans la hiérarchie
- Les étapes de l’apprentissage
- Le marché obligataire au Québec
- Vie sociale, vie privée
- La vente au détail
- La gestion d’une maison de courtage
- Crédit du Nord
Le monde du courtage
Après quelques mois d’initiation à la technique comptable, le voilà prêt pour le marché du travail. Quel type de travail? Tout comme son père et son oncle Paul, le courtage en valeurs mobilières, bien sûr ! Sur la recommandation de son oncle, il est engagé en 1951 au salaire de 100 $ par mois comme commis dans une importante firme de l’époque, Royal Securities Corporation. Il est là pour apprendre, en commençant au bas de l’échelle, comme c’était la norme à l’époque dans ce milieu, fils de courtier ou pas, diplômé d’université ou pas. De commis il passe à commis comptable, et là en feuilletant le livre des clients, il découvre le nom du grand patron de la boîte, qu’il n’a bien sûr jamais rencontré et ne rencontrera jamais. À sa stupéfaction, il découvre qu’Isaac Walton( Killam), son grand patron, dispose de 5 millions de dollars dans son compte! Que représentent 5 millions $ quand on gagne 100 $ par mois? Une somme phénoménale.
La progression dans la hiérarchie
Après 3 ans d’apprentissage, Jean-Louis a amélioré son sort. On lui confie plus de responsabilités et l’on augmente son salaire à 150 $ par mois. Mais il a surtout compris que la vraie progression se fait par le secteur de la vente. Comme dans une partie de baseball, les personnages importants, les étoiles, ne sont pas ceux qui enregistrent le pointage. Ce sont ceux qui lancent des prises ou qui frappent des circuits. Les étoiles d’une maison de courtage ce sont les vendeurs, comme son père. Ils contactent et fidélisent les clients, suggèrent et exécutent les transactions et, surtout, ils génèrent des revenus. Leur statut et leur rémunération sont sans commune mesure avec ceux des comptables. Voilà l’ambition de Jean-Louis, devenir vendeur et accroître ses revenus. Toutefois, son jeune âge freine son ascension à l’intérieur de l’entreprise où il travaille. Pour contourner les obstacles qui se dressent devant lui, Tassé envisage de se trouver un poste chez un concurrent. Pour y arriver, il doit se faire une réputation. Il choisit de se faire connaître à l’I.D.A1, ou plutôt, au Junior I.D.A. Jeune, mais sûr de lui, très sociable, parfaitement à l’aise en anglais comme en français, aimant la fête, Jean-Louis s’y fit rapidement des connaissances et des amis. Certains, comme Maurice Arbour, allaient le suivre à travers les diverses étapes de sa vie professionnelle. Directeur de la section française du département des ventes de W.C. Pitfield, Maurice Arbour avait côtoyé l’aspirant-vendeur qu’était Jean-Louis et l’avait tenu en estime. Contrairement à Royal Securities.
Pitfield
Pour devenir vendeur, Jean-Louis n’a donc qu’à traverser la rue, toutes les firmes étant regroupées dans un quadrilatère restreint pour faciliter les communications et l’échange de documents. Il devient vendeur le 1 octobre 1953.
Les étapes de l’apprentissage
L’accès au statut de vendeur est important, mais il ne marque qu’un début. Il faut s’initier sur le tas, non seulement aux techniques de vente, mais aussi aux nombreux produits et au fonctionnement de tous les rouages qui constituent le monde du courtage et son corollaire, le monde des banques, mais surtout les règles et la législation qui s’appliquaient et qui imposaient la séparation des métiers de banquiers et de courtier. Vendeur chez W.C. Pitfield impliquait que l’on s’occupe de contacter les clients potentiels lorsque la firme avait souscrit à un emprunt ou une émission d’actions. Même en incluant de nombreux contacts pour régler tous les détails de la paperasse, il y avait de fréquents temps morts. Pour les meubler, un jeune vendeur curieux et désireux d’apprendre descend de son bureau à l’étage vers le rez-de-chaussée. Là, il y trouve plus d’activité chez Hugh Mackay and Co, société soeur de Pitfield. Celle-ci exécute les ordres d’achat et de vente sur le parquet de la Bourse de Montréal, à cette époque la plus importante au Canada. Les vendeurs oisifs et les clients peuvent suivre l’activité sur le ticker tape2. À 21 ans, n’ayant à offrir que les produits souscrits par la firme, sans une liste de clients bien établie comme en possèdent les plus anciens, les possibilités d’activité et de revenus sont des plus limitées. Alors pour progresser, il faut changer d’employeur. Deux ans après son entrée chez Pitfield pour devenir vendeur, Jean-Louis se tourne vers une autre boîte pour continuer d’apprendre et améliorer son sort. En 1955 il entre chez Morgan Kempf, maison de courtage liée à l’agent de change3 Morgan & Co où son oncle Paul travaille comme vendeur. Son nouvel employeur offre la même gamme de produits que Pitfield. Mais l’activité de l’agent de change est localisée au même étage que le sien et le bourdonnement d’activité est beaucoup plus entraînant. De plus, la proximité des deux types d’opérations lui permet de côtoyer de près son oncle, très ouvert à lui faire partager ses connaissances et les trucs du métier. Il le remplace aussi à l’occasion pour répondre aux appels des clients ce qui est toujours le meilleur moyen d’apprentissage dans la profession de vendeur.
Le marché obligataire au Québec
Deux ans plus tard, il a encore une fois fait le tour de ce que l’entreprise peut lui apprendre et lui offrir. Cette fois c’est à l’incitation d’un vendeur chez Desjardins, Couture qu’il décide de faire le saut dans cette firme. Le vendeur qui l’incite faire le saut se nomme François Lessard. Travaillant à monter le premier fonds commun au Québec, Lessard s’efforce de recruter des vendeurs pour distribuer son produit. Toutefois, la clientèle francophone est peu ouverte à d’autres produits que les titres de dette sans risque. Le peu de personnes intéressées par les actions et les emprunts relatifs aux corporations ont été fortement échaudés par le krach de ‘29. L’épargne restante et les nouveaux fonds durement accumulés sont investis de façon sûre. La vente à grande échelle des Bons de la Victoire et des Obligations d’Épargne du Canada qui leur ont succédé, a rejoint tous les rangs et villages du Québec. Comme ces titres représentent une part énorme de la dette du gouvernement fédéral et qu’en plus elle est à échéance très courte , presque à demande, celui-ci s’applique avec soin à maintenir ses taux d’intérêt à des niveaux attrayants et sa structure de distribution en parfait état de fonctionnement. La clientèle canadienne-française s’accommode très bien des titres de dette « sûrs ». Même les sociétés d’assurance s’y mettaient. Leurs coupons intéressants se substituent avantageusement aux dépôts bancaires. Qui cherche à se créer une clientèle doit donc regarder vers les firmes qui achètent et distribuent ces genres de produit. Desjardins, Couture est de ce nombre. Établie à St-Hyacinthe, au milieu d’une région agricole très prospère, et abritant les sièges sociaux de quelques compagnies d’assurance, Desjardins Couture représente à cette époque un pilier de la distribution des titres municipaux. Le jeune Jean-Louis Tassé y entre en 1957.
Vie sociale, vie privée
Parallèlement à sa volonté d’avancer dans sa vie professionnelle, il prend conscience des limites qu’il s’est imposées en concentrant son énergie sur le monde du courtage. En dehors de ce cercle et de sa famille, il connaît peu de monde et ses expériences de vie sont restreintes. En parallèle à ses débuts chez Pitfield, il devient membre de la Chambre de commerce des jeunes de Montréal. Avec l’énergie qu’il manifeste depuis son adolescence, il s’implique à fond.Rapidement élu conseiller, puis vice-président du mouvement, il assume la direction de divers comités de la jeune Chambre, dont celui des voyages. En 1954, il organise un voyage à New York, lieu de rencontre de ses parents.Dans le train, il fait la connaissance d’Hélène, une agréable jeune fille qui deviendra son épouse en 1956. Ensemble, ils auront six enfants.
La vente au détail
À cette époque, un des facteurs de succès de la vente de titres municipaux consistait à tenter de distribuer les titres dans le voisinage de la ville ou du village qui les avait émis. Les acheteurs potentiels avaient alors une certaine connaissance de la santé financière et de la qualité de gestion du titre qu’ils acquéraient. Ajoutés à un taux d’intérêt attrayant, ces facteurs contribuaient à sécuriser l’acheteur dans sa décision. Et par le bouche à oreille, permettaient d’agrandir le cercle des clients. Résident de St-Bruno, le nouveau vendeur de détail sent rapidement une bonne occasion de se créer une clientèle dans la région lorsque son employeur acquiert un emprunt de la ville de St-Hilaire tout près. Dans son entretien avec Paul Brochu il y il décrit très bien comment cette émission d’obligations a été son premier pas dans la création de sa propre clientèle. Il n’était plus tributaire des listes de clients des maisons qui l’avaient employé à ses débuts. Il ne se contentait plus de suivre des directives. L’initiative lui appartenait. De preneur de commandes, d’exécutant, il était devenu un vrai vendeur au détail, un entrepreneur autonome. Le jeune vendeur passe quatre ans à développer une clientèle, à la fidéliser, à mieux comprendre les rouages de l’organisation d’une équipe de vente et à évaluer réparation les marges de profit. Se lancer en affaire implique simplement d’obtenir un permis de la Commission des valeurs mobilières, de souscrire quelques milliers de dollars comme capital et surtout d’avoir d’excellents contacts dans le milieu bancaire. Parce qu’en fait, l’essentiel des capitaux nécessaires à l’opération d’une maison de courtage était obtenu par le nantissement auprès d’une banque, des titres acquis par enchère ou d’autres courtiers agissant comme grossistes. Les barrières à l’entrée dans ce commerce étaient à cette époque, minimes.
La gestion d’une maison de courtage
Jusqu’en 1960, Jean-Louis Tassé demeure très actif à la Chambre de commerce des jeunes. Par la suite, il entreprend une autre étape de sa carrière professionnelle. Désormais, le jeune courtier se sent prêt à s’engager dans la gestion d’une firme de courtage. Son intérêt pour la gestion remonte à 1957. À l’incitation d’un ami, il avait investi une faible somme d’argent dans une société de transport scolaire : les Autobus Laurentides. Rapidement, il découvre qu’en plus de son talent de vendeur et il possède aussi des talents de gestionnaire. Il acquiert rapidement une bonne maîtrise de la gestion. Grâce à son travail et son talent, l’entreprise se développe et croît par acquisition. Elle existe encore aujourd’hui4.
Crédit du Nord
Estimer être mieux à son compte qu’employé de son patron, c’est ce qu’avait fait, en 1960, J.A. Lapointe, un collègue de travail de Jean-Louis. Avec très peu de capital, Lapointe avait démarré sa propre boîte, Crédit du Nord, à St-Jérôme. Jean-Louis décide de tenter sa chance. Il se joint à Crédit du Nord à quatre conditions : que la compagnie déménage de St-Jérôme à Montréal; qu’il puisse y faire entrer un de ses amis banquiers (M. Langlois); que tous deux deviennent actionnaires de la compagnie; et qu’on lui garantisse un revenu de 150 $ par semaine sous forme d’avance sur commissions. Entre 1961 et 1965, de vendeur, Jean-Louis se transforme en gestionnaire. Il devient de fait, directeur général de Crédit du Nord et son ami Langlois s’occupe de diriger les ventes. Il lui manque cependant un élément essentiel à la réussite d’une firme de courtage, soit la capacité d’acheter des titres à bon prix. Comme la vaste majorité des titres municipaux et scolaires s’allouent sous forme d’enchères, savoir mise correctement est un élément crucial de survie. Cet art il l’acquiert au contact de Laval Cliche qui grâce à son talent et à son flair est devenu un as dans le domaine. Les deux associés minoritaires (Tassé et Langlois) développent la compagnie jusqu’en 1965, mais en utilisant les capitaux d’un troisième associé ( M. Fafard). En 1965, la Commission des valeurs mobilières du Québec juge que la firme opère avec un capital nettement insuffisant par rapport au volume d’affaires réalisé.Crédit de Nord doit cesser ses opérations en raison d’insuffisance de capital tel qu’exigé par la CVMQ.
Jean-Louis Tassé décide alors de se joindre à Cliche et Associés, une maison de courtage établie quelques années plus tôt. On lui propose la direction du département de la syndication municipale ce qui lui permet de parfaire ses connaissances. Il renforce ses contacts avec les banques et les autres courtiers et apprend à évaluer les forces de ventes dans les différentes régions du Québec. Mais cet environnement d’exécutant ne lui convient pas. À Crédit du Nord, il a testé ses capacités de gestionnaire dans le courtage tout comme il l’a déjà fait dans le domaine totalement différent des autobus. Développer et gérer une firme lui ont fait comprendre qu’il ne se réalisera vraiment et ne se sentira vraiment à l’aise qu’en étant son propre patron. Il quitte son employeur en 1967 et lance sa propre entreprise, Tassé et Associés. Durant les 32 années qui suivent, il pourra montrer la mesure de ses talents. Mais en plus du tracé de ce parcours, quelques personnages ont marqué l’histoire de Tassé et Associés.Selon les propos de Tassé lui-même : « Lorsque j’ai fondé Tassé et associés, le gars le plus important, ça été Jacques Gagnon, mon associé, qui a été président du Fonds des professionnels.Dans ma vie, c’est mon père, Arbour, Lessard, des gars comme ça…
Mais, pour Tassé et associés, je dirais que le premier a été Richard Gagnon, qui a été mon premier associé pour partir.Jacques Gagnon, Raymond Trudeau, c’est les trois gars qui ont été les piliers chez Tassé. Il y en a d’autres, mais Richard Gagnon parce qu’il a été là en premier, Jacques Gagnon qui a été mon associé senior pendant 27-28 ans, puis Raymond Trudeau qui a été un pilier de l’entreprise parce qu’il a été là jusqu’à la fin.»
Sources
Entretien de l’IRÉC avec M. Jean-Louis Tassé, février et mars 2003
«Tassé & Associés renforce ses activités», Journal Les Affaires, 10 avril 1970, page 2 (article non signé)
FORGET. Jacques, «Un traitement équitable , pas du protectionnisme», Finance, 24 novembre 1980, page 4.
FORGET. Jacques, «Tassé & Associés, Le courtier de l’année pour le journal Finance», Finance, 24 août 1987, page 4.