Évolution du financement municipal et scolaire au Québec
L’article suivant est extrait de la Revue du 50e anniversaire de l’Association de Montréal des négociants en obligations (Montreal Bond Traders’ Association). Réalisées par des experts issus du milieu du courtage financier, les analyses couvrent la période qui s’étend de 1927, date de la fondation de l’Association, à 1977.
Issu du courtage financier et de la haute fonction publique, l’auteur retrace l’évolution du financement municipal et scolaire au Québec, depuis la crise de 1929 jusqu’à la fin des années 1970. Quesnel montre qu’au Québec les obligations municipales et scolaires ont été presque entièrement distribuées par des maisons de courtage francophones. Son examen des raisons qui sous-tendent les difficultés de financement des corps publics québécois, dans les années 1930, est particulièrement éclairant.
Le numéro complet de la Revue du cinquantième anniversaire du Montreal Bond Traders’ Association est disponible au téléchargement ici
ÉVOLUTION DU FINANCEMENT MUNICIPAL ET SCOLAIRE AU QUÉBEC
Par Jean-Claude Quesnel, Ministère des Affaires Municipales de la Province de Québec
Les municipalités sont des créatures de l’Etat et elles relèvent de la juridiction directe et exclusive de la Législature provinciale. Le paragraphe 8 de l’article 92 de l’ Acte de 1′ Amérique Britannique du Nord décrète que « La Législature provinciale pourra exclusivement faire des lois relatives aux institutions municipales. » Les emprunts des municipalités et commissions scolaires au Québec se font en vertu de nombreuses dispositions de différentes lois dont les principales sont:
- 1. Le Code municipal, articles 758 à 783 inclusivement;
- 2. La loi des cités et villes, articles 580 à 604 inclusivement;
- 3. La loi de la Commission municipale, S.R.Q. 1964, chapitre 170, articles 24 à 36 inclusivement;
- 4. La loi des dettes et des emprunts municipaux et scolaires, S.R.Q. 1964, ch.171 ;
- 5. La loi de l’instruction publique, S.R. 1964, chapitre 235, articles 224 à 236 inclusivement;
- 6. Les lois spéciales affectant certaines municipalités comme Montréal, Québec et les communautés urbaines.
En général, ces lois et leurs amendements imposent aux municipalités, communautés urbaines et commissions scolaires:
- 1° que leurs règlements et résolutions d’emprunt soient approuvés par la Commission municipale du Québec (sauf le Conseil scolaire de l’ile de Montréal) et le ministre soit des affaires municipales, soit de l’éducation;
- 2° si elles émettent des obligations (les cités et villes y sont tenues sauf pour les cas prévus à l’article 587 de la Loi des cités et villes) que ces obligations, à moins d’une autorisation spéciale, soient vendues à la suite d’appel d’offres fait dans la Gazette Officielle quinze jours, avant la séance du conseil prévue pour l’ouverture de ces soumissions. Font exception à cette règle les communautés urbaines et les villes de Montréal et Québec.
- 3° Toutes ces obligations doivent (Montréal depuis la loi 82, 23-12-76) porter le sceau du ministère des affaires municipales et le certificat de validité du ministre qui se lit comme suit: « Ceci atteste que les règlements autorisant l’émission de cette obligation ont été approuvés par le ministre des affaires municipales et que cette obligation est émise conformément à ces règlements. Toute obligation émise par une corporation municipale en vertu d’un règlement approuvé par le ministre des affaires municipales, portant le sceau du ministère des affaires municipales et ce certificat est valide, et sa validité ne peut être contestée pour aucune raison quelconque (S.R.Q. 1964, Ch. 171, Art. 12). Le gouvernement de la Province de Québec, par ce certificat, garantit la validité, mais non pas le paiement de la présente obligation ».
Les différentes lois qui régissent les emprunts municipaux et scolaires ont subi d’année en année d’assez nombreux changements de façon à les adapter aux nouvelles formules d’administration et aux nouvelles structures et ces corporations et de façon aussi à les rendre plus conformes aux conditions changeantes des marchés des capitaux.
Ainsi, les lois garantissant les obligations des commissions scolaires ont dû s’adapter aux nombreux changements intervenus dans ce secteur. Nous nous souvenons du temps où les commissions scolaires n’étaient subventionnées que pour une partie de leur émission soit les trois ou cinq premières échéances dont étaient si friandes les caisses populaires. Puis vint le fameux « Bill 64″. Aujourd’hui alors que les commissions scolaires se retirent de plus en plus du champ de la taxe foncière, tous les projets d’investissement (acquisitions d’édifices, constructions, etc.) qui requièrent un emprunt à long terme font l’objet d’une émission d’obligations dont le service de dette est entièrement payé par le ministère de l’éducation à même son budget à être voté annuellement.
Tout récemment soit le 15 décembre 1977, l’article 592 de la Loi des cités et villes était amendé dans le but de permettre aux municipalités de mandater le ministre des affaires municipales pour recevoir et prendre connaissance des soumissions pour achat d’obligations; l’adjudication demeure évidemment du pouvoir exclusif de la corporation emprunteuse. Par la même occasion, on retranchait le troisième alinéa du même article faisant ainsi disparaître l’exigence du chèque de 1 % qui devait accompagner les soumissions. Le Code municipal (art. 760) était, en même temps, modifié dans le même sens et nous espérons pouvoir faire amender dans ce sens la loi de l’éducation.
LE MINISTERE DES AFFAIRES MUNICIPALES
Le ministère des affaires municipales a été créé par une loi qui date de 1918 dans le but d’assister techniquement et financièrement les municipalités dans les différents champs d’activité qui leur sont propres et aussi dans le but d’administrer les lois qui régissent leurs opérations.
Au début, cette intervention était presque entièrement restreinte aux opérations financières; mais depuis il y eut de nombreux changements de structures et de nombreuses nouvelles lois ont été sanctionnées de sorte qu’aujourd’hui, le ministère des affaires municipales comprend différentes directions dont: l’administration financière, l’évaluation, la prévention des incendies, les structures (fusion, annexion, etc.) et l’urbanisme.
Pour ce qui nous concerne plus immédiatement, soit l’administration financière et le financement, il est intéressant de référer aux rapports annuels du début du ministère et dont je cite ici quelques extraits.
« Des municipalités qui, il y a quelques années à peine, vendaient leurs obligations, avec intérêt à 6%, à 88,90 ou 92, se voient enlever leur nouvelles emissions à 5 1/2 %, et probablement bientôt à 5%, au pair. »
« Pourquoi le public préfère-t-il placer son argent à 5 1/2% et moins, sur des obligations municipales, plutôt que de le prêter sur 1 ère hypothèque à 6 1/2 % et 7%? »
« Je crois que nous devons chercher l’explication de la grande confiance que le public de notre province accorde à ces valeurs, dans la protection efficace accordée par nos lois aux obligations municipales et aux porteurs de ces obligations. »
« Il est peut-être intéressant de mentionner quelques-unes de ces lois adoptées par la Législature de Québec, et dont plusieurs n’existent que dans notre province. » « La première fut celle créant un ministère chargé exclusivement de la surveillance des affaires municipales. »
« Une autre non moins importante fut celle concernant les fonds d’amortissement. »
… (et un peu plus loin) …
« Autrefois, le porteur d’une obligation municipale pouvait être exposé à voir l’émission complète attaquée devant les tribunaux pour une informalité quelconque. Il n’avait aucun moyen de s’assurer de la légalité des procédures autorisant cette émission sans consulter un homme de loi, ce qui entraînait des dépenses considérables. »
« La conséquence de cet état de choses était qu’il n’y avait que les grandes institutions, les compagnies d’assurance, les compagnies de fiducie, les chemins de fer, etc. qui pouvaient acheter ces obligations. »
« Par la loi 8 George V, chapitre 60, section 16, il fut décrété que toute obligation municipale devait, à l’avenir, avant sa livraison, porter un certificat du ministre des affaires municipales, attestant de sa légalité, et la loi dit que tout bon émis en vertu d’un règlement approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil et portant un tel certificat est valide et sa validité ne peut être contestée pour aucune raison quelconque. »
« Je crois que cette loi est une des plus importantes qui aient été passées dans le domaine des affaires municipales. Elle est particulière à la Province de Québec et n’existe dans les statuts d’aucune autre province en Canada ».
Le certificat de validité n’a pas changé en substance sauf le dernier paragraphe qui a été rajouté plus tard et que les approbations des règlements sont maintenant données par la Commission municipale du Québec et le ministre des affaires municipales plutôt que par le lieutenant gouverneur (sauf de très rares exceptions). C’est en 1925 (15 George V, chapitre 40, section 7) que le certificat de validité fut imposé aux obligations des commissions scolaires. Un autre extrait du même rapport, 1923-1924 se lit comme suit:
Règlements d’emprunt
Cent trois (103) règlements municipaux, représentant un total de $18,568,727.28 ont reçu la sanction du lieutenant-gouverneur en conseil.
En voici le détail:
De novembre 1976 à octobre 1977 inclusivement, 1,992 règlements d’emprunt furent approuvés pour un montant global de $609,320,000.00.
LES SUBVENTIONS DU MINISTERE DES AFFAIRES MUNICIPALES
Le ministère des affaires municipales a assisté financièrement de tout temps les municipalités selon diverses formes de subventions. Certaines municipalités ont même vu leurs dettes assumées entièrement par le gouvernement alors qu’à la suite de circonstances imprévues et catastrophiques elles ne pouvaient plus respecter leurs engagements. Nous connaissons en effet le triste cas du village de St-Jean-Vianney de même que celui de Parent.
Depuis environ un an, des programmes spécifiques de subventions ont été élaborés avec des règles et des critères précis comme nous le voyons ci-dessous à la description de ces différents programmes. Ces règles et ces critères et leur diffusion non seulement réduiront au minimum le facteur arbitraire et discrétionnaire des allocations de subventions mais réduira aussi le volume des demandes d’information et les délais qui en résultent tout en fournissant aux municipalités un outil additionnel de planification de leurs dépenses.
P.A.l.R.A.: programme d’aide à l’implantation des réseaux d’aqueduc et d’égouts de secteurs déjà construits et non de nouveaux développements.
Municipalités admissibles: celles régies par le Code municipal.
Montant alloué: maximum de 75% du coût total du projet admissible déduction faite des autres subventions telles que celles de la S.C.H.L.
Payable en dix (10) ans sauf les montants de $100,000. et moins qui sont payés comptant.
LIQUIDATION: même travaux que leprogramme précédent (P.A.l.R.A.).
Municipalités admissibles: celles régies par la Loi des cités et villes dont la population est de moins de 10,000 âmes.
Montant alloué: maximum de 50% du coût total du projet admissible déduction faite des autres subventions telles que celles de la S.C.H.L.
Payable comptant dans tous les cas; 80% ,de la subvention peut être avancé avant la fin des travaux sur présentation d’estimés progressifs.
P.A.I.R.E.: programme d’aide à l’implantation des rôles d’évaluation.
Activités: la confection du premier rôle d’évaluation foncière réalisée suite à une ordonnance ministérielle et en conformité avec le règlement numéro 1 publié en vertu de la loi sur l’évaluation foncière.
Municipalités admissibles: toutes, incluant les communautés urbaines.
Sommes prévues: taux fixés par unité d’évaluation variant d’une catégorie à l’autre (ferme, résidence, commerce, etc.). La subvention pourra atteindre 50% du coût reconnu de la confection du rôle, incluant une bonification d’au plus 10% selon la qualité.
P.A.I.S.I.: programme d’aide à l’implantation des services d’incendie.
Activités: nouveaux services seulement; achat d’autopompes, camions citernes et de pompes portatives lourdes; réserves d’eau au cas d’incendie, indépendantes du réseau d’aqueduc; les postes de pompiers (maximum 3 baies) et remises pour pompes.
Municipalités admissibles: celles non admissibles à « l’aide statutaire » fondée sur la population (en 1977 moins de 10,000 âmes) sauf l’aide apportée par une municipalité de plus de 10,000 âmes ou plus à une autre plus petite.
Montant alloué: 75% des frais admissibles encourus par la municipalité si mise en commun des nouveaux équipements; s’il y a impossibilité de mise en commun: 50%; si possibilité de mise en commun et qu’il n’y a pas entente: 25%.
Versement: comptant ou de 2 à 5 versements selon l’importance de la subvention.
LES SUBVENTIONS STATUTAIRES BASEES SUR LA POPULATION.
Municipalités de 10,000 habitants et plus (Loi no 8; 19 juillet 1977). Cette loi est sujette à modification chaque année. Ces subventions sont inconditionnelles. Montant: (voir art. 1 de ladite loi) de « $6.40 par habitant compris dans la tranche de la population n’excédant pas 20,000 habitants » jusqu’à « $23.50 par habitant compris dans la tranche de la population excédant 150,000 habitants. »
P.A.R.E.M. et P.A.C.E.M.
Sont deux (2) programmes « ad hoc » de relance économique et de soutien de l’emploi. Le ministère dispose pour ces deux (2) programmes de $30 millions de dollars. Ces subventions sont payées comptant.
Municipalités admissibles: toutes les municipalités sont admissibles mais non les communautés urbaines.
Montant alloué: ces subventions sont données pour couvrir les dépenses de main-d’oeuvre seulement à un taux de $0.90 par $1.00 de salaire brut.
Activités: amélioration des équipements municipaux sauf les projets admissibles couverts par d’autres programmes de subventions existants (principalement la construction d’équipements de loisirs).
Le programme P.A.C.E.M. peut couvrir des constructions tandis que le programme P.A.R.E.M. s’applique plus spécifiquement aux projets d’entretien, de conservation et d’amélioration des équipements.Le programme P.A.C.E.M. peut donner lieu à un emprunt additionel par la ville mais pour ce qui est du programme P.A.R.E.M., les surplus payables par celles- ci doivent être couverts par le budget annuel.Quelques programmes fédéraux viennent s’ajouter à ces programmes tels ceux de la S.C.H.L. qui sont des programmes de prêts avec renonciation de la part de la S.C.H.L. de 25%; un montant plus élevé de subvention peut être alloué si le coût du projet est jugé trop élevé. Les programmes « Canada au Travail et Jeunesse Canada au Travail » n’exigent qu’occasionnellement des tèglements d’emprunt. Le programme « Placement Etudiant » n’occasionne aucun emprunt. Les programmes de la Société d’Habitation du Québec sont mixtes, soit qu’ils comprennent la participation des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Ils visent la rénovation urbaine et la construction d’habitations à loyers modiques, etc.
LE COMITE DE FINANCEMENT MUNICIPAL
Le Comité de financement municipal, organisme du ministère des affaires municipales a été créé en 1971 par le ministre d’alors dans le but de faire les recommandations relatives aux ventes de gré à gré et au comptoir de petites émissions ou de cas spéciaux d’emprunts sur les marchés locaux ou étrangers. Ce comité est aussi responsable de la réglementation des procédures de soumissions (marge de taux nominaux permis, modalités d’échéances des tableaux d’amortissements, etc.). Il est composé d’un représentant de la Commission municipale, d’un représentant du bureau du sous-ministre, du directeur général de l’administration financière et de deux officiers du service des obligations. Les tableaux suivants nous font l’historique des émissions d’obligations vendues par les municipalités et commissions scolaires depuis 1938 de même que la variation des coûts de financement pour ces émissions et celles de la Province et de l’Hydro-Québec.



DISTRIBUTION DES OBLIGATIONS
Extrait du rapport sur le crédit municipal et scolaire 1966.
« Le marché des obligations qui était servi vers les années ’30 en grande partie par de, très grosses maisons qui accaparaient a peu près tout le marché municipal et scolaire, s’est vu sensiblement modifié par l’envahissement progressif de petites maisons d’obligations et de nouveaux syndicats qui se sont groupés autour des deux banques Provinciale et Canadienne Nationale jusqu’à un point tel que, de nos jours, les investissements des grosses maisons dans ces domaines ne représentent pas même 25% du marché total.»
Cette situation est demeurée stable jusque vers le début des années 1970. Depuis le phénomène tout à fait inverse s’est produit et nous avons vu disparaître la presque totalité des petites maisons qui se sont jointes aux plus grosses. Dans la ville de Québec, par exemple, il y a eu, vers la fin des années ’60, jusqu’à 9 maisons qui y avaient leur siège social alors qu’aujourd’hui une seule y conserve son bureau principal. Le nombre de courtiers et banques qui soumissionnent régulièrement pour l’achat d’émissions d’obligations municipales et scolaires est de près de 15, un nombre à peu près égal s’ajoute à ceux-ci à l’occasion, surtout comme membre de syndicats. Il faut » ici souligner le rôle important que jouent les banques Provinciale et Canadienne Nationale dans le marché primaire des émissions d’obligations municipales et scolaires de même que dans le marché secondaire. Depuis le début des années ’70 cependant cette situation a aussi changé de sorte que ces banques ont cédé progressivement leur prépondérance dans ce champ d’activité au profit des courtiers. Les caisses populaires interviennent évidemment à titre d’acheteurs des échéances les plus courtes; mais ce phénomène a perdu de l’importance ces dernières années.
Quant à la distribution même de ces obligations, voyons ce que disaient les auteurs du rapport cité plus haut sur le crédit municipal et scolaire 1966:
« En 1936, il pouvait y avoir une dizaine de maisons de placement ayant leur siège social en dehors de la province de Québec qui soumissionnaient régulièrement pour l’achat des émissions d’obligations municipales et scolaires de la Province de Québec. A cette date, il y avait également une dizaine de maisons québécoises intéressées à ce marché, dont quelques- unes avaient été formées entre 1925 et 1936. » « En 1964, on relève plus de quarante maisons qui ont été établies après 1936, ce qui revient à dire qu’il y a présentement plus de cinquante maisons québécoises qui soumissionnent pour les émissions d’obligations municipales et scolaires.»

Par la suite la situation a évolué de façon telle qu’aujourd’hui ces obligations, sauf celles de Montréal et des communautés urbaines de Québec et Montréal (voir tableau à la fin de la présente section), sont presque entièrement distribuées par des maisons locales soit de Montréal et Québec, à des portefeuilles de la province. Traditionnellement, les investisseurs privés québécois ont acheté des obligations de leur municipalité et commission scolaire. Ceci crée pour la province une 60,000,000.00 situation particulière en Amérique du Nord, situation où environ 30% des obligations des villes et commissions scolaires (exclusion faite de Montréal et C.U.M.) sont vendues au détail par environ 250 agents licenciés. L’importance de cette particularité est telle qu’une maison qui n’a pas son potentiel de détail peut difficilement se lancer seule dans des achats en volume de ces obligations et c’est pourquoi les maisons de l’extérieur, de !’Ontario particulièrement, doivent se grouper avec des maisons québécoises pour participer à la distribution de ces titres.
Cette situation crée aussi des conditions d’émissions particulières où, par exemple, les échéances des obligations ne dépassent pas, règle générale, 10 ans alors que les règlements décrétant ces emprunts prévoient habituellement des amortissements sur une période de 20 ans d’où le phénomène des « ballons » à refinancer avec l’impact relativement important sur les marchés et les finances municipales. La distribution au détail de ces obligations ne semble pas tendre à perdre de l’importance mais fluctue plutôt en fonction de la demande plus ou moins forte de ces titres par les portefeuilles institutionnels.
COMPARAISON AVEC LES AUTRES PROVINCES
La Province de Québec est la seule au Canada à maintenir à son ministère des affaires municipales un « service des obligations » qui administre les lois régissant les procédures d’émissions d’obligations ou de billets à long terme par les municipalités et commissions scolaires. Le travail de ce service consiste principalement en la vérification complète des dossiers en vue de la signature du certificat de validité et en la mise en marché de ces obligations par le système de soumissions publiques tel que requis par la loi.
Dans les autres provinces, il y va tout autrement pour le financement des municipalités; en Alberta et en Colombie Britannique par exemple, des organismes gouvernementaux financent directement la majorité des municipalités et émettent en leur propre nom, les obligations. En Ontario, le système est différent de chez nous à un point tel que nous ne pouvons établir des comparaisons valables des résultats obtenus. Voici quelques-unes de ces différentiations:
Un organisme central « Ontario Municipal lmprovement Fund » finance directement un certain nombre (réduit) de municipalités qui éprouveraient quelques difficultés à vendre leurs obligations sur le marché public. Un tel organisme n’existe pas chez nous.
Une très grande partie (près de 90%) du financement des services aux propriétés (aqueduc, égouts, rues, etc.) est effectuée par l’entrepreneur et chargée à l’acheteur de la propriété. Ceci réduit sensiblement les sommes à financer par les municipalités ontariennes en comparaison avec nos municipalités qui financent la totalité des services.
The « Ministry of the Environment » ontarien finance directement les installations de traitement des eaux. Au Québec ce sont les villes et les communautés urbaines qui font ces financements. Les commissions scolaires ontariennes et autres corps publics se financent à même les fonds recueillis par la section ontarienne du « Canada Pension Plan »; nos commissions scolaires empruntent sur les marchés publics.
Le regroupement d’un grand nombre de municipalités ontariennes sous l’autorité des « Regional Municipalities » ou autres organismes métropolitains (12 de ces organismes regroupent près de 70% de la population) et le pouvoir exclusif de celles-ci d’effectuer les emprunts de toutes les municipalités membres occasionnent un tout autre contexte de financement que celui que nous connaissons au Québec. C’est d’ailleurs ce phénomène qui explique en grande partie l’existence des « agences financières » « Fiscal Agencies » et leurs activités beaucoup plus intenses qu’au Québec dans le financement municipal.
La concentration plus forte qu’au Québec des institutions financières et des industries dans la région de Toronto et dans le sud de !’Ontario favorise aussi le financement des corps publics ontariens en comparaison avec ceux du Québec.
Tout ceci fait que les obligations municipales du Québec (échéance 10 ans) se vendent en moyenne à des taux d’environ .75% à 1.25% (1977) plus élevés qu’en Ontario. Faut-il conclure qu’il en coûte plus cher au citoyen québécois qu’à l’ontarien? La grande différence du prix des maisons unifamiliales depuis de nombreuses années, entre les deux provinces, différence causée en partie par les modes de financement des services aux propriétés, nous porte à croire qu’il en coûte plus cher en Ontario qu’au Québec tout au moins dans les régions des grandes villes.
COMMISSION MUNICIPALE DU QUEBEC
Considérations générales sur le rôle de la Commission municipale du Québec.
La crise économique qui a éclaté à la fin de 1929 pour s’aggraver durant les années qui suivirent amena un grand nombre de corporations municipales, dans la province de Québec, au bord du marasme financier. Les contribuables n’étant plus en mesure de payer leurs taxes foncières, les corporations qui avaient des emprunts obligataires, ne pouvaient plus rencontrer leurs échéances.
La législature a cru devoir créer en 1932 un organisme de contrôle et de surveillance nommé « La Commission municipale du Québec ». Celle-ci fut munie de pouvoirs définis, qui devaient contribuer à redonner et maintenir la confiance des prêteurs dans les obligations municipales, scolaires et même de syndics de paroisse (fabrique).
Parmi les pouvoirs qui lui ont été dévolus, le principal fut certainement l’obligation pour toutes les municipalités et commissions scolaires d’obtenir l’approbation de tous les emprunts qu’elles désirent contracter; ce pouvoir existe toujours. D’autre part, le premier but visé par la loi créant la Commission municipale a été la réorganisation financière des emprunts par obligations des corporations municipales et scolaires affectées par la crise économique du temps. Voici un exemple de mise en défaut: Ville de Greenfield Park mise en défaut le 7 décembre 1938, réorganisation financière le 20 avril 1939 pour un montant de $490,500., autonomie remise le 1er décembre 1954.
En tout, une centaine de corporations se sont prévalues de la Loi de la Commission municipale 1932 pour réorganiser leurs finances. En 1946, le gouvernement provincial confiait à la Commission municipale la tâche importante de voir à l’application de la nouvelle Loi pour assurer le progrès de l’éducation. Par suite de leur situation financière et de l’insuffisance de leurs ressources, la plupart des corporations scolaires étaient devenues incapables de répondre, comme il convient, aux besoins de l’éducation. En vertu de la Loi 10 George VI, chapitre 21, la province de Québec a assumé toutes les dettes par billets ou obligations encourues antérieurement au 17 avril 1946 par les commissions scolaires désirant se prévaloir de la Loi pour assurer le progrès de l’éducation. Le montant approximatif des dettes assumées par la province en vertu de cette Loi a dépassé 110 millions de dollars, en capital et intérêts.
En vertu de l’article 91 de la Loi de la Commission municipale du Québec, celle-ci disposa d’un montant de $115,344,000. fourni par « L’Office du Développement municipal et des prêts aux municipalités » (gouvernement fédéral). Cet argent devait être prêtés aux municipalités pour leur projet d’investissement comportant des nouvelles constructions seulement. Deux cent quatrevingt- trois (283) municipalités se sont prévalues de l’article 91 et ont emprunté le montant total ci-haut entre les années 1965 et 1968. Ces emprunts sont remboursables sur des périodes allant de 3 à 40 ans. Ainsi les échéances furent donc établies de 1966 à l’an 2008. Les taux d’intérêt varient de 5 1/4%, 5 3/8% et 5 5/8%. Le solde au 31 mars 1978 à rembourser est de $68,190.000.
Au cours des années qui suivirent, la Commission municipale du Québec a bien joué son rôle de surveillance des finances municipales et s’est vu confier des mandats additionnels tels que les enquêtes sur les cas de renvoi ou suspension d’officiers municipaux, de même que pour les cas d’annexions ou fusions de municipalités, etc. La Commission conserve en outre les pouvoirs suivants: « elle autorise les aliénations de gré à gré de biens meubles ou immeubles; elle peut adopter toute mesure d’urgence aux lieu et place d’un conseil municipal qui ne peut siéger valablement elle établit des critères pour la délivrance des permis d’évaluateurs et délivre ces permis; elle entend les demandes de reconnaissance de tout organisme sans but lucratif pour fins d’exemption de taxe foncière et les appels d’ordonnance ou de refus d’autorisation du directeur du Service de la protection de l’environnement fondés sur la loi de la qualité de l’environnement.
Ces dernières années, la Commission municipale du Québec s’est mise en évidence dans des enquêtes à Ville d’Anjou, Saint-Léonard, Longueuil, et quelques autres municipalités bien que la situation financière de celles-ci ne fût pas en cause. A une époque comme la nôtre où les structures sociales et la conjoncture économique et politique évoluent avec une telle rapidité, il est bien souhaitable que des organismes de contrôle et d’assistance soient en place et assurent une permanence dans les différents champs d’activité des instances publiques décentralisées tout en imposant au progrès un rythme qui convienne à chacune d’elles en regard de leur ensemble pour un territoire donné.
Si le passé est le plus sûr garant de l’avenir nous pouvons conserver notre confiance dans les finances de nos municipalités puisque, chez nous au Québec, aucune d’elles n’a jamais fait perdre un sou de capital à ses détenteurs d’obligations.
CONCLUSION
Extrait du rapport sur le crédit municipal et scolaire 1966.
« La municipalité qui vient et emprunte sur le marché obtient des avantages égaux à sa réputation financière et à la compétence de ses administrateurs. Celle qui jouit d’un excellent crédit doublé d’une administration hautement qualifiée se voit offrir des conditions aussi avantageuses sinon plus que celles offertes à la province. Le marché, avec raison, favorise une gestion impeccable et incite au meilleur contrôle possible des dépenses. Un fonds général de crédit aurait peut-être pour conséquence d’avantager les corporations publiques médiocres mais alors probablement au détriment de celles qui se sont bâties une réputation financière enviable grâce à leur travail, leur prudence et leur habileté. »
Depuis le début des années ’60 deux rapports d’étude sur le projet d’une banque de crédit municipal ont été produits. Ces deux rapports, datés l’un de 1966 et l’autre de 1977, sont venus à la même conclusion soit qu’il n’est pas recommandable qu’une banque universelle de financement municipal soit établie. On y préconise plutôt la formation d’un fonds limité constitué par le trésor provincial et devant servir à financer les émissions de petites ou moyennes municipalités qui éprouveraient certaines difficultés à se vendre à des prix compétitifs sur les marchés locaux.
Quant aux autres émissions, soit la grande majorité, on y conclut que le mode de financement en usage leur est profitable compte tenu des possibilités pour les plus grosses corporations de faire appel à l’occasion aux marchés étrangers et, pour les autres, des facilités évidentes à se financer sur le marché local à des taux raisonnables en comparaison d’autres titres de corps publics et principalement ceux de la province.
Une des raisons principales du succès du système actuel de financement est sans doute l’existence d’un important marché de détail de ces titres maintenus traditionnellement par une équipe de courtiers et d’agents qui y trouvent leur profit évidemment, mais à qui les municipalités doivent beaucoup d’ainsi faire l’effort nécessaire pour maintenir en vigueur ces effectifs de détail même dans les temps vraiment difficiles que nous connaissons à intervalles réguliers.
Un autre facteur de succès du système actuel est la disposition de la loi par laquelle les municipalités doivent demander des soumissions publiques pour vendre leurs émissions d’obligations. Nous croyons qu’il est profitable et sain que chaque municipalité voir elle-même au financement de ses projets d’investissement portant ainsi la responsabilité directe des emprunts à effectuer et leur coût de plus en plus élevé.
Cette alternative occasionne évidemment la multiplication des émissions d’obligations (en 1977, 753 au municipal et scolaire) dont les montants sont relativement peu élevés soit de quelque cent mille à quelques millions de dollars, les plus volumineuses atteignant les quinze millions faites par des villes comme Québec et Laval.
N’avons-nous pas là les éléments tout indiqués pour le bon fonctionnement d’un système de soumissions publiques qui représente évidemment le très grand avantage de mettre en concurrence les courtiers entre eux et les banques, produisant non seulement à coup sûr le meilleur prix dans un contexte donné, mais aussi le résultat final que nul ne peut contester puisque tous les intéressés sont invités à proposer leurs conditions. Les exceptions dont doit cependant souffrir la formule suscitent, à l’occasion, des discussions mais celles-ci ne sont jamais assez graves pour compremettre sérieusement le système. Telle est ma conclusion et si j’ai employé au cours de cet exposé les « nous » plutôt que les « je » c’est que je savais exprimer l’opinion de mes collègues du ministère et de la Commission dont un a même collaboré à la rédaction de ce texte, M. Raymond Langlois que je remercie bien.